| Monsieur Jean PERRÉARD Jean n’était pas que mon beau-père, il est aussi un ami. Dominique m'a présenté Jean, Marie, Claire, Pierre et Sophie il y a 52 ans, depuis, nous avons partagé beaucoup choses ensemble. Avec Jean et Marie, mais aussi avec Benjamin, nous avons voyagé au Mexique, au Belize et au Guatemala. Et c’est en sortant de la jungle guatémaltèque que nous avons frôlé la mort lors d’un grave accident de bus. Nous avons aussi plusieurs fois voyagé ensemble au Brésil, terre de Godo, de Claire et de Cynthia et nous en avons presque fait le tour.
Lors d’un séjour dans le sud du Brésil, nous avons été invités au sítio, une petite ferme appartenant au père de Godo. Jean et moi avons décidé d’explorer le versant peu accessible de la colline qui longeait l’autre rive du ruisseau. Nous avions bien affûté nos machettes pour avancer dans « la jungle » et nous étions prêts pour l’aventure. À peine avions-nous franchi 200 mètres escarpés en taillant notre chemin dans la végétation très dense, qu’un long serpent noir a croisé notre route. « Est-ce qu’on continue ? » ai-je demandé à Jean qui n’avait pas vu le serpent ? « Non… ce n'est pas très raisonnable », a-t-il répondu. Notre exploration s’est arrêtée là. Courageux mais pas téméraires.
Dominique et moi avons souvent accompagné Jean qui était un grand marcheur. Il nous a aussi initiés à la voile sur le lac de Saint-Leu-d’Esserent. Il adorait les bateaux.
Mais surtout, pendant des années, Jean et moi avons régulièrement pratiqué le tir à l'arc tant en entraînement qu’en compétition. Nous étions membres de la compagnie d’archers de Saint-Brice sous Forêt. Nous n’étions pas des champions, mais nous tirions bien et nous prenions grand soin de notre matériel. Jean était le sénior de la compagnie. Par tradition, tous les archers se tutoient, mais, nous qui étions de la même famille, nous étions les seuls à nous vouvoyer. Je me souviens de l’un des comportements récurrents de Jean. Il n’était pas rare que des archers le félicitent pour certaines volées de flèches bien centrées. Avec cette espèce de modestie auto dévalorisante et amusée qui le caractérisait, Jean disait que c’était un effet du hasard et que ça n’allait pas durer. En fait, il était à la fois fier de l'intérêt qu'on lui portait mais en difficulté plus ou moins réelle face aux compliments… y compris pour complimenter en retour. Discret, il ne voulait ni attirer l’attention ni gêner.
Pendant des années, Jean allait chercher son pain à Marly-la-Ville, dans le village voisin, (à deux pas d'ici). Lors de ses marches boulangères, il avait sympathisé avec une corneille. Ils se reconnaissaient mutuellement et la corneille s'approchait même au plus près de Jean qui, au retour, partageait son pain avec ce copain. Jean était très fier de cette amitié et il aimait en parler.
Tout à l'heure, à quelques mètres du cimetière, j'ai entendu une conversation entre corneilles. L'une d'elles a croassé très clairement. "Et les gars, Jean est revenu."
Jean, je vais vous laisser, je sais que vous êtes en bonne compagnie auprès de Marie et de vos amis les corneilles.
Bon voyage mon cher Jean.
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